La stratégie de maintenance actuelle des parcs éoliens est principalement périodique, basée sur un calendrier d’opérations. Or, entre deux opérations, il n’est pas possible de prévoir l’apparition prochaine d’un dysfonctionnement majeur : ces défauts sont donc généralement pris en charge à l’instant le plus critique, ce qui engendre de lourds frais de logistique ainsi qu’un temps de mise à l’arrêt de la machine conséquent (à titre d’exemple : le coût de remplacement d’un gros composant tel que la boîte de vitesse s’élève à plus de 450.000€, et l’opération peut s’étendre sur plusieurs semaines). L’origine de ce problème est liée au manque de connaissances de l’évolution de la dégradation menant à la panne : quelle en est la source ? Quel moment est pertinent pour préparer une opération de maintenance ?
Ces dernières années, le service ingénierie de VALEMO a développé des solutions ayant pour objectif final l’adoption d’une stratégie de maintenance prédictive : à partir d’une exploitation pertinente de données SCADA (Supervisory Control And Data Acquisition) ciblées générées par les automates présents sur les machines, les algorithmes développés doivent permettre à l’exploitant d’intervenir suffisamment tôt, en prévention d’un dysfonctionnement prochain, afin de minimiser les coûts de maintenance en évitant une opération de maintenance bien plus lourde.
Une méthode de suivi de l’état d’une machine a donc été développée avec un focus sur les roulements de la génératrice. Le principe est d’utiliser les variables ayant un lien de causalité entre elles (une modification sur une des variables implique une modification sur toutes les autres) afin d’avoir une estimation la plus précise possible d’une variable à suivre. Dans le cas de la génératrice, la température de roulement (avant et arrière) est estimée à l’aide de la puissance active, de la vitesse de rotation de l’arbre rapide et de la température de la nacelle, puis est comparée à la valeur réelle mesurée. On obtient alors un indicateur, auquel on attribue un seuil au-delà duquel on considère que la turbine suivie est en défaut et qu’une opération de maintenance au niveau de la génératrice est nécessaire.
Dans la littérature, les études antérieures utilisent une approche mono-turbine ou multi-turbine. Dans le premier cas, on ne considère que les données de la turbine suivie, ce qui a pour avantage d’avoir des résultats peu sensibles aux changements de mode de fonctionnement (à partir d’une certaine vitesse de vent, la puissance se stabilise à sa valeur nominale). Dans le second cas, on considère les données du parc complet (généralement on utilise la médiane), ce qui permet de se débarrasser de l’influence des cycles saisonniers. L’originalité de la méthode proposée par VALEMO est de fusionner ces deux approches afin de profiter des deux avantages (2).
La solution a d’abord été établie puis validée sur un parc, que nous allons par la suite nommer A, présentant trois défauts localisés sur la génératrice, dont un accompagné d’un remplacement complet de la génératrice. Les périodes sont précisées dans le Tableau 1. Les résultats sont très prometteurs puisqu’on détecte dans les trois cas l’anomalie (dépassement de seuil) avec une avance considérable (au moins une semaine) par rapport à la date d’arrêt de production enregistrée.
Pour faciliter l’aide à la décision, ainsi que pour laisser à l’exploitant une certaine liberté de choix, afin de mieux comprendre les effets de sa décision (1), une hiérarchie d’alarmes a été mise en place, illustrée par un système de couleur simple :
- Jaune (C3) : à titre informatif, pas d’intervention nécessaire,
- Orange (C2) : potentiel défaut, pas d’intervention nécessaire,
- Rouge (C1) : défaut, intervention nécessaire.
Sur la Figure 1, on observe que notre algorithme permet de détecter un défaut dès la première semaine de janvier, soit plus d’un mois avant la date de mise à l’arrêt de la turbine (27 février), ce qui aurait permis de mettre en place une opération de maintenance préventive suffisamment tôt pour anticiper le remplacement de la génératrice et donc les semaines d’arrêts qui ont été occasionnées.
A la suite de ces premiers résultats, il a été nécessaire de vérifier, quelques années plus tard, la souplesse et la fiabilité de la solution : l’outil de surveillance a ainsi été appliqué sur tous les parcs exploités par VALEMO sur toute leur durée d’exploitation.
A cette occasion, une représentation plus globale a été adoptée (Heatmap), affichant pour un parc et une période d’exploitation donnée le nombre d’alarmes C1 (représenté par une couleur rouge dont allant du plus clair au plus foncé) par mois et par turbine. Cette représentation permet d’avoir une vue d’ensemble sur un nouveau parc à étudier, et surtout de localiser rapidement les éventuelles périodes de défaut à étudier. Sur la Figure 2 qui illustre l’application de cette représentation sur 5 années consécutives d’exploitation d’un parc B composé de 6 machines, on peut dresser un diagnostic rapide : un nombre conséquent d’alarmes C1 est présent lors de trois périodes identifiées par un rouge vif, mais c’est en Octobre 2018 sur la turbine T6 qu’on observe le plus d’alarmes (la couleur rouge la plus foncée). En suivant cet exemple, on afficherait alors les indicateurs correspondants sur les périodes considérées, et on validerait ces observations à l’aide des rapports d’exploitation mensuels disponibles.
Enfin, les performances de la solution développée par VALEMO ont été évaluées en termes d’avance à la détection en jours (période séparant la date de première détection et la date de mise à l’arrêt de la machine). Les performances du parc A sont présentées sur le Tableau 2. Pour les 3 défauts considérés, une période de plus d’une semaine est disponible pour les décideurs afin de planifier une opération de maintenance appropriée.
Défaut | Roulement arrière E6 | Roulement avant E9 | Enroulement E11 |
Avance à la détection | 29 | 10 | 14 |
L’outil de surveillance proposant des résultats très prometteurs à l’échelle de la génératrice, nous allons désormais porter nos développements sur le diagnostic complet de l’éolienne, afin d’obtenir un suivi complet et en temps réel de l’état des parcs éoliens engendrant un gain de productivité et une optimisation des opérations de maintenance en temps et en coûts.
REFERENCES
1. Castanier B, Zhu W, Bettayeb B. Un outil d’aide à la décision pour la planification des opérations de maintenance d’une éolienne offshore. Congrès Lambda Mu 20 Maîtrise Risques Sûreté Fonctionnement, 11-13 Octobre 2016 St Malo Fr. 2016;
2. Lebranchu A. Analyse de données de surveillance et synthèse d’indicateurs de défauts et de dégradation pour l’aide à la maintenance prédictive de parcs de turbines éoliennes.